L’influence peut-elle être éthique ?

L’INFLUENCE PEUT-ELLE ÊTRE ÉTHIQUE ?

L’éthique est un sujet incontournable dans l’univers en perpétuelle évolution du marketing d’influence. Et quelle évolution ! Booba, Élie Yaffa de son vrai nom, l’un des rappeurs les plus prolifiques de ces deux dernières décennies. Il est devenu en quelques mois le garant de l’éthos sur les réseaux sociaux, plus particulièrement sur X. Comment cet artiste, qui a ébranlé les plus retors des poètes avec des répliques percutantes. Aussi crus que « Quand je vois la France les jambes écartées, je l’encule sans huile » a-t-il contribué à faire émerger la loi du 9 juin 2023. Visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux?


Éthique … en allant trop loin ?

« Je ne regrette pas du tout. Peut-être que je suis allé trop loin, mais de temps en temps, il faut aller trop loin », clamait le rappeur, dans le Complément d’enquête: Cyril Hanouna : le nouveau parrain du PAF (3,03 millions de téléspectateurs, un record d’audience). Tristan Waleckx, le journaliste l’interrogeait sur sa façon d’interpeller Magalie Berdah sur les réseaux sociaux.
Proche de Hanouna, cette dernière à la tête de Shauna Events, la première agence d’influence en France. A vu son chiffre d’affaire de 40 millions d’euros fondre comme peau de chagrin, après que Booba a mené une guerre sans limite sur X. Pour mettre en lumière les pratiques trompeuses des influenceurs qu’elle avait signé au sein de son agence.
Si la dénonciation de ces pratiques à porté ses fruits, éveillant les consciences et suscitant davantage de méfiance, le problème qui a été mis en lumière persiste. Et de fait, son identification n’est pas chose simple. Lorsqu’une transaction monétaire intervient entre influenceurs et marques, la question de l’éthique devient prégnante.

Les défis déontologiques liés à cette dynamique sont flagrants. L’idée d’une transparence totale pour maintenir la confiance du public devient ainsi une évidence. La question de la sincérité et de l’intégrité de l’influenceur mettant en avant produits et services se pose naturellement. Lorsque l’on prend en compte l’éventualité faisant de sa rémunération une de ses motivations.


La frontière entre la publicité et la recommandation devient floue, créant une part d’ombre sur la crédibilité de l’influenceur. La complexité réside donc dans la nécessité de distinguer les collaborations éthiques des partenariats motivés par la compensation financière. Ainsi, transparence et clarté entre l’influenceur et son audience se révèlent essentielles pour entretenir une relation de confiance et permettre à l’influenceur de fédérer sa communauté. C’est ce que l’État, des associations professionnelles et Booba (encore lui) tentent de charpenter.

Des structures émergent pour garantir l’authenticité des pratiques de l’influence

Connaissez-vous le terme influenceur éthique ? Il désigne ceux qui adhèrent à l’initiative des Certificats de l’ARPP (Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité). Le “Certificat de l’Influence Responsable” (v 1.8), ainsi que ses différentes options, intègre les règles régissant le secteur, notamment celles résultant de la loi du 9 juin 2023 visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux.

Et que dit la loi du 9 juin 2023?

  • Elle interdit les publicités faisant la promotion de certains biens et services (chirurgie et la médecine esthétique ; certains produits et services financiers ; l’abstention thérapeutique ; sachets de nicotine ; abonnements à des conseils ou des pronostics sportifs).
  • Elle impose le recours à des contrats écrits pour les collaborations dépassant un seuil de rémunération spécifié.
  • Elle introduit le principe de responsabilité solidaire, obligeant l’annonceur, l’influenceur et son agent à partager une responsabilité conjointe dans le cadre des collaborations.
  • Elle impose une mention “publicité” claire

Ces initiatives sont louables et nous les saluons, car elles permettent à minima, aux agences comme la nôtre d’être une rambarde contre toute dérive qui pourraient surgir chez les marques comme chez les influenceurs. Toutefois, il est crucial de souligner que la certification seule ne peut garantir une influence authentiquement éthique. Osons déplacer le sujet sur le terrain de la philosophie. Que disent les penseurs? Des Epicuriens aux Stoïciens, il semble que tous s’accordent à désigner l’’éthique comme étant au dessus de la morale;
celle-ci est considérée comme un ensemble de règles établies, propres à une culture, à un système de valeurs , permettant de juger ce qui est « bien » et ce qui est « mal », auxquelles, par conséquent, il est recommandé de se conformer pour assurer – idéalement – une vie en société harmonieuse.

Que désigne l’éthique ?

L’ éthique désigne quant à elle, une forme de pensée qui se situe au-delà de la morale, une « méta-morale » 1 en quelque sorte, raisonnant sur les fondements du bien et du mal, les valeurs et les jugements moraux. Elle est en outre une réflexion qui a pour finalité de rechercher les fondements raisonnables du « bien agir ».

C’est ainsi que Booba a inauguré Starting Blok, le 30 novembre dernier, une agence d’influence éthique qui promeut les valeurs telles que l’authenticité, la transparence et la responsabilité.
Dirigeant d’un nombre impressionnant d’entreprises à l’ADN diamétralement éloigné (mode, média, parfumerie, spiritueux ), à la tête d’une fortune
personnelle estimée à 60 millions d’euros, Booba va-il réussir là où l’Etat, les professionnels et les prescripteurs peinent encore à construire ensemble les fondements raisonnables du « bien agir »? Affaire à suivre!

*1 Jacqueline Russ et Clotilde Leguil, « La pensée éthique contemporaine » Que sais-je ?, PUF, Paris 2012

Rosemonde PIERRE-LOUIS & Fatna BELBACHIR

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